Un article de Philippe Buck, coach chez Solvay Entrepreneurs. Il a co-créé 2 sociétés dans le secteur du tourisme (Metronomo en Equateur et Ince&Tive en Belgique), et a été directeur marketing puis directeur général des Editions Dupuis entre 1987 et 2003. Depuis 2004, il a conseillé une dizaine de sociétés actives dans les ICC et a coaché plus de 200 projets dont la moitié d’ICC
Entre Art et Buisness
« Faire de l’argent, c’est de l’art, et le travail est de l’art. Faire de bonnes affaires est le meilleur art qui soit ». Pour une fois, ce n’est pas Lao Tseu qui l’a dit, mais Andy Warhol ! Nous voilà donc bien dans l’esprit des Industries Culturelles et Créatives (ICC), une industrie qui représente 6.8% du PIB de l’UE. Mais les techniques de management doivent-elles y être appliquées comme dans les autres secteurs ?
Deux mondes différents, mais où… on vend et on gère
En 2015, au Forum d’Avignon, les thèmes particuliers sont : éthique pour l’utilisation de données personnelles, données & algorithmes, propriété intellectuelle, fiscalité, et business modèles. Voilà qu’on parle de business modèles dans les agoras de la culture !
Des leaders d’opinion, comme Steven Hearn (groupe Scintillo), osent écrire que « le temps est depuis longtemps révolu du secteur culturel qui pensait pouvoir ignorer les règles de l’entrepreneuriat ».
Et, comme par effet de miroir, le modèle de l’emploi artiste, et par extension culturel, semble bien définir ce que les employeurs recherchent aujourd’hui : des employés expressifs, autonomes, intermittents, créatifs . En Belgique, Sandrino Graceffa, le patron de Smart, dit la même chose : « La planète salariale est en train d’exploser. Il faut trouver un nouveau modèle de contrat social, situé à mi-chemin entre salariat et entrepreneuriat. Il faut permettre aux travailleurs en quête d’autonomie de travailler en toute liberté, tout en leur garantissant une protection sociale »
Les 2 mondes autrefois apparemment antinomiques se rejoignent donc ; mais on ne vend tout de même pas des œuvres d’art comme de la lessive, et on ne gère pas des créatifs comme des comptables ! C’est vrai, mais on vend et on gère. Il faut donc appliquer les techniques de management y-compris dans les phases de lancement de projet et de gestion de start-up, mais il faut les adapter. Quelques exemples :
• Stratégie générale (et charte d’actionnaires) : certaines compétences très intuitu personae peuvent constituer un risque majeur pour la pérennité de l’entreprise (être l’associé d’un génie reconnu et connu qui se met en chômage n’est pas une position facile), et « le souci de garder la maîtrise de l’indépendance créative est souvent un frein à l’ouverture (du) capital (des ICC) aux investisseurs » . Il faudra donc imaginer ces situations particulières au stade du projet, et y apporter des réponses. D’autre part, les porteurs de projets dans les ICC attachent – plus souvent que d’autres – une importance capitale à la mission de l’entreprise, à sa RSE ; ce qui pour certains est du « bashing », est pour eux un engagement.
• Finances : les actifs immatériels pourront avoir une importance énorme, ils mériteront une attention particulière. Le travail pre-start pourra parfois être valorisé et accepté comme apport initial, mais les réviseurs n’ont pas toujours l’expérience, ni les compétences nécessaires ; il faudra apporter, si possible, des éléments probants objectifs. Et les institutions financières traditionnelles sont rarement très enthousiastes (tant pour le capital que pour les prêts) face à des projets qu’elles ne comprennent pas bien ou dont elles se méfient.
• Marketing : les phénomènes de mode devront être anticipés ou du moins saisis sans retard, cela demande des organisations et des hommes souples et réactifs. Ce n’est évidemment pas unique mais l’écoute du marché n’est pas nécessairement une attitude innée chez les créatifs
• Juridique : l’avocat d’affaires non spécialisé aura sans doute quelques difficultés avec l’abandon de droits de la part de créatifs (sauf droit moral immuable) ou les droits d’auteurs dans les situations de co-création
• Talent management : le recrutement, la formation, la motivation, le contrôle des créatifs a ses particularités ; et on sera souvent confronté, ici plus qu’ailleurs, au débat sur les contraintes libératoires ou, au contraire, « créaticides ».
St’Art, « partenaire financier des créateurs », considère qu’« un accompagnement adapté des créatifs dans le management de leur business et la recherche de fonds est essentiel pour une rencontre réussie entre créatifs et financeurs » d’autant que comme le dit la St’Art « les créatifs sont en général insuffisamment préparés aux compétences entrepreneuriale et commerciales… » . Lors d’un accompagnement de projet, les difficultés seront évidemment différentes selon qu’on travaille avec un manager désireux d’investir dans un projet d’ICC, ou que l’on discute avec un créatif prêt à se lancer dans le business ; dans les 2 cas, il faudra une attention particulière à la communication et à la pédagogie.
En conclusion
Pour ceux (créatifs, entrepreneurs, mais aussi coaches) qui sont prêts à affronter ce monde complexe et hybride, la satisfaction, les récompenses sont immenses. Et la magie de ce secteur se produira quand la créativité de l’entrepreneur donnera vie à une entreprise capable de se renouveler et donc de créer en permanence. Un aphorisme que MC Escher n’aurait pas renié (voir photo à droite – Drawing hands, 1948).
Le crédit de la photo de couverture revient à pcwallart.com
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